Au fil de l’eau – 2ème étape : De John Coul à Tieke Kainga
Ce matin, on est fous, on tente une inversion ! Emi à la barre, Nico à l’avant.
Les rôles dans le rafiot
A l’avant, l’immersion dans la nature est encore plus forte, à suivre les ondulations des vagues, ne rien avoir devant soit que de l’eau, de la végétation et du ciel. Et l’immersion… au sens propre aussi : dans l’eau qui éclabousse voire trempe les habits lorsque les rapides mènent la vie dure au frêle esquif. Devant c’est aussi la liberté de choisir de quel côté on pagaie pour gérer la fatigue des muscles, ainsi que d’imposer le rythme.
A l’arrière, les reponsabilités sont autres. La direction pour éviter de se prendre une branche, un rocher, bien entrer dans un rapide impose de forcer sur les bras et de jouer avec la pagaie. Et c’est aussi optimiser les trajectoires en prenant les plus forts courants le long des falaises ou racourcis en évitant les contres-courants et tourbillons.
Wonderland, au pays des merveilles
Le paysage aujourd’hui est encore plus beau que celui de la veille. Les gorges se ressèrent et les falaises se dressent en rempart protecteurs de la forêt. Les strates géologiques du temps sont bien visibles, et les fougères profitent des plus friables pour s’y cramponner. Au sommet, des racines puissantes tiennent la crête qui s’effrite et permettent aux arbres de se dresser droit et affronter les éléments sans broncher. Parfois, des grottes et cavités se logent dans ces parois verticales. A l’abordage ! zou, nous sautons sur une berge étroite pour partir en explorer une.
Des gouttelettes tombent des racines à l’air libre qui pendent au-dessus de l’entrée. Quelques oiseaux s’envolent en nous voyant, et nous imaginons bien que cette grotte ait pu servir d’abri aux voyageurs le long de cette rivière.
Nous suivons le cour à travers ses méandres qu’il creuse dans la roche, et fait découvrir à chaque virage une nouvelle perspective. Tantôt l’eau rapide met nos réflexes à l’épreuve, tantôt l’eau calme nous permet de contempler les yeux en l’air cette masse de verdure et de nature. Nous nous sentons tout petit face à tant de puissance élémentaire.
Réflexions
Cette végétation, qui change tous les ans un petit peu. Des fougères naissent, des arbres tombent, des berges se cassent. La rivière est en perpétuelle changement. Et pourtant toujours la même. Il y a des millénaires elle était déjà là, avec les mêmes espèces, les mêmes couleurs, les mêmes formes. La biodiversité est restée inchangée, ou presque.
Cela nous fait réfléchir à notre condition d’homme. Petits hommes qui ne changeons pas tant que ça d’une année à l’autre, mais humanité qui a tellement modifié le monde, sa culture, son empreinte sur la nature en l’espace de quelques centaines d’années. La richesse de cette biodiversité renouvelable nous rend humbles, nous autres petits hommes qui ne devons notre résilience temporaire qu’à l’épuisement des ressources et matières premières qui nous entourent.
Pont pour nulle part ?
Une petite cascade ! Une deuxième ! Aujourd’hui le thème c’est : soleil, couleurs, falaises et cascades qui ruissellent. Le bonheur à l’état le plus pur, celui qui rime avec fraicheur et nature, à moins que ce ne soit rameur et confiture…
Comme nous avons pris notre temps, nous passons notre tour pour la seule randonnée du trajet, celle qui mène au « Bridge to nowhere ». Pont qui va nulle-part ?
Ce pont a été construit en plein milieu de la forêt après la première guerre mondiale. Il faisait partie d’une route créée pour aider les soldats revenus du front à installer des fermes dans le coin. Mais la nature hostile leur a donné tellement de fil à retordre que les fermes n’ont pu subsister, et que le pont a été abandonné. La nature a repris ses droits et maintenant ce pont tout en béton qui n’a rien d’extraordinnaire est devenu une attraction touristique : des tours opérateurs enchaînent les voyages en hors bord pour transporter des badauds à Mangapurua, départ de la petite randonnée qui mène à ce pont perdu. Bref, d’après les retours de nos compagnons de voyage qui y sont allés, on n’a rien loupé !
Affluents sauvages
À la place, nous partons explorer les affluents de la Whanganui River. A l’aventure ! Allez on donne tout ce qu’on a ! pagaie à gauche ! l’autre gauche !rame, rame, rameur, ramez ! Technique et force conjuguées nour permettent de sortir des tourbillons, d’éviter les courants puissants près des falaises, pour nous extirper de la grande rivière et réussir à pénétrer dans l’eau bien moins trouble et plus calme de l’affluent. On l’a fait ! Yes ! Attention aux branchages ! Ramons à contre-courant, c’est à pagaies dans l’eau, et pagaies poussant les obstacles que nous poursuivons la remontée de la rivière aux tanins marrons.
Autant dans la Whanganui, nous nous sentions libres et perdus dans la nature, au bout du monde, mais avec un sentiment de grandeur et de place. Autant ici, nous ressentons un confinement agréable, encore plus près des espèces végétales et animales. Les bruits de la forêt rappellent la jungle. La girafe Célestine aborre d’ailleurs son grand sourire éternel 🙂 Nous prenons quelques minutes pour s’imprégner de cette nature absolue, et aimons penser que peu d’hommes se sont aventurés par ici.
Puis nous recommençons notre descente. Sur le chemin, nous faisons un nouvel écart. Nous entendons une énorme cascade, alors partons à nouveau remonter l’affluent qui y mène. Mais cette fois les branchages sont trop imbriqués et nous empêchent d’apercevoir la source de ce bruit grondant parmi la verdure et les pierres.
Derniers coups de pagaie
Temps pour nous de puiser dans les dernières forces de nos muscles (merci les petits biscuits au chocolat !) pour terminer ces 7 heures de descente et tenter d’arriver à l’heure au camp. Ce soir, c’est cérémonie d’accueil maorie !
Deuxième camping : Chez les Maori
La canoë accoste en grinçant un peu contre les cailloux. Nous jetons les gilets de sauvetage sur les sièges et courons comme des dératés sur la colline pour essayer d’arriver (plus ou moins) à l’heure pour la cérémonie de 5h… mais il est 5h20 et malgré tous nos efforts, elle a déjà commencé. L’hôtesse nous demande de patienter devant l’entrée car elle est en pleine explication et nous ne pouvons entrer dans leur domaine sans avoir vécue la cérémonie d’accueil.
En bons élèves, nous nous adossons sur un pilier de la paillote, au soleil, en récupérant notre souffle. Une demi passe gentiment… sans que nous puissions bouger… finalement, l’hôtesse Maori vient nous voir et nous explique que pour ce soir nous ne pouvons pas rentrer dans leur espace mais que nous sommes les bienvenus sur l’aire de camping. Demain, elle fera une cérémonie d’accueil pour ceux arrivés après 17h (et ô soulagement, nous ne sommes pas les seuls, la petite famille de kiwi et les anglais viennent d’arriver). Chouette !
Nous dressons la tente. Mention spéciale pour Nicolas, qui se l’est joué Mac Giver en tendant la bâche par dessus notre tente Kmart à 8 dollars (équivalent Gifi…) et réalisant une jolie entrée avec des bouts de bois et en profitant de la pente pour planter les piquets de manière à avoir le moins de vent possible. Une photo vaut mieux que des mots..voici son œuvre ! Il n’a pas un pépé scout pour rien 😉
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