Une journée sur la West Coast au Nord de New Plymouth

New Plymouth

Dès que nous ouvrons les rideaux, le soleil chauffe puissamment l’intérieur du van. Nos esprits embrumés peuvent sortir des limbes, lentement mais sûrement. La prochaine fois, on met les boules quiès ! car le vent et les vagues ça fait un sacré rafut.
Aujourd’hui le plan est d’aller faire une grosse randonnée au Nord du Taranaki. Mais la météo est capricieuse dans la région, il est souvent impossible de prévoir à l’avance s’il va être dégagé ou non. Et ce matin, le ciel bleu ne longe que la côte, le volcan pudique s’est camouflé derrière des épais nuages blancs. Changement de plan ! Ce sera road trip vers le Nord, à la découverte de la West Coast.

Jusqu’à présent je n’ai pas été épaté par les paysages de l’île du Nord. La diversité, la nature sauvage, les couleurs et reliefs de l’île du Sud me manquent. J’attends le jour où cette nouvelle île va pouvoir m’épater tout autant ! Ce jour est-il arrivé ? Suspens…
Nous commençons par aller au Sud de la ville, en traversant le centre, ou plutôt en suivant la loooongue route principale bordée de commerces en tous genres, mais dont l’architecture ne casse pas des briques. Puis débouchons dans la zone industrielle et portuaire, pas des plus jolies.

Paritutu

Bientôt c’est une grande crique avec des plages de sables noir au pied de falaises et dunes qui nous attend. A côté des silos et hangars, nous avons du mal à être séduits. Des énormes masses rocheuses posées dans la mer s’élèvent vers le ciel, coiffées de végétation flottante au gré du vent, et parsemées de points blancs à plumes. Un les domine tous et touche la terre, et on peut y grimper. Alors allons-y !

Ascension raidasse du Paritutu

Les marches s’enchainent, bientôt remplacées par des rocs à escalader à l’aide de nos quatre membres. Une ligne de vie sécurise un peu l’ascension et nous arrivons après un petit quart d’heure en haut. La vue est belle vers la mer et le Sud. Les vagues viennent percuter les falaises noires, à peine troublées par les sentinelles de pierre plantées à quelques centaines de mètres de la côte.

Ascension raidasse du Paritutu

Au Nord, c’est la ville de New Plymouth, industrielle d’abord, puis résidentielle étalée. C’est vraiment pas fou 🙂 Nous surplombons un dépôt de vieilles carcasses de voitures cassées, je suis troublé de voir que les piles de métal sont toujours équipées des moteurs, batteries, et autres appareils dégueux pour l’environnement, et que le sol est juste de la terre battue, à moins d’une centaine de mètres de la mer. C’est légal dans ce pays ça ? Vraiment ?

Vue sur New Plymouth

Route sur la West Coast

Après une redescente rapide en prenant soin de ne pas finir la tête la première dans les rochers sur cette pente à plus de 60°, nous faisons cap vers le Nord. Les routes sont si larges ici, rien à voir avec l’île du Sud. Là-bas, je n’avais eu des 2 fois 2 voies qu’à trois endroits : une voie rapide pour le centre de Christchurch, une autre vers Dunedin, et une dernière vers Nelson. Ici, elles s’enchaînent à la pelle. Et les fameuses « Gravel road » sont bien cachées.

Jusqu’à Urenui, c’est sans intérêt particulier. Au Nord, enfin, une belle route vallonée à travers des forêts denses et des prairies vertes nous emmène à notre prochaine destination. Cette route me rappelle celle au Nord de Westport, qui nous avais emmenée à Karamea. Finalement, les West Coast se ressemblent !

La faim se fait sentir, alors notre premier stop est à Tongaporutu, dans une baie qui se vide avec la marée. Au bout, il parait qu’à marée basse on accède aux « Three Sisters », trois gros bouts de falaises maintenant décrochés en piliers qui se dressent dans la mer. La marée est encore trop haute, alors on verra plus tard. Ce midi, c’est avocat vinaigrette, tranche de pain de mie avec crème de tomate séchée et fromage, et mangues au sirop.

Les kilomètres se poursuivent maintenant sur une route rectiligne coincée entre la mer à l’Ouest aux vagues puissantes et des pentes raides vertes servant de pâturage aux bovins et ovins. Ces pentes montent de plus en plus raide jusqu’à se casser en haut et former une crête aiguisée qui dessine un contour vif sur le ciel bleu roi.

Plage de Mokau

Mokau, petit village de pêcheurs, où peu de touristes y arrêtent leur moteur. Notre première « Gravel Road » de l’île du Nord fait une petite boucle en se rapprochant encore de la mer, et dans un tournant nous descendons du van, puis par un chemin sur la plage. Le sable est si noir… et si fin… Tantôt noir luisant lorsqu’humide, noir aux paillettes étincellantes lorsque très sec, aux reflets bleutés lorsque coincé près de rochers, et irrisé de jaune en se rapprochant des falaises. Par endroit, au lieu de glisser entre nos orteils, il se craquelle sous nos pieds en plaques collées par du sel.

Sable noir ébouriffé

A part quelques traces de quad, moyen de locomotion le plus rapide pour les pêcheurs du coin, les seules traces sont les nôtres. Et à quelques centaines de mètres vers le Sud, nous découvrons une cascade dont l’eau jailli de la végétation en haut de la falaise pour tomber directement dans le sable noir et créer de jolies arabesques jusqu’à la mer. Parfait endroit pour se rincer les cheveux !

Cascade sur la plage de Mokau

Côte entre Tongaporutu et Rapanui

Le soleil est toujours aussi fort ici, et au loin le Taranaki est resté dans les nuages, on a été bien inspirés ce matin 🙂 Nous rebroussons chemin vers Tongaporutu. Un petit parking au Nord affiche Rapanui. Nous sommes les seuls ici, et laissons le van sur la pelouse avant de descendre dans l’estuaire de la petite rivière Rapanui. C’est pieds nus dans le sable ébène que nous traversons la petite rivière, en prenant soin de ne pas trébucher sur les bouts de bois flotté. Nous avançons vers la mer et ses vagues qui sculptent la plage. Nous devons ensuite descendre la plage vers le Sud, mais malgré une marée presque basse les vagues continuent de se casser sur un bout de falaise. Ça va passer ?

Arches à Rapanui

Je fais l’éclaireur, avance dans la mer pour voir la profondeur de l’eau et analyser le découpage des falaises sur la côte. Il y a des arches ! Des arches magnifiques, immenses, creusées à même les falaises, qui nous offrent un passage parfait vers le Sud. C’est un pur moment de bonheur que de courir les chevilles dans l’eau en passant dans ces tunnels de roche pour déboucher sur une plage noire déserte. Toutes les dix minutes, une vague plus grande que les autres s’engouffre dans les cavités de roche et les noie, mettant un peu de suspens sur « va-ton vraiment traverser secs ? ».
Ces mêmes vagues couvrent entièrement la plage plate large de plus d’une centaine de mètres et vont jusqu’à titiller le pied des falaises. Et grâce à ce recouvrement régulier, le sable réalise un miroir parfait. Dans son reflet : le ciel bleu tâcheté de blanc, les arches noires qui se découpent à contre-jour, et la végétation bien verte cramponée au dessus des falaises bariolées de jaune, ocre, orange, marron, blanc. C’est un spectacle qui nous garde les yeux grands ouverts et le sourire béa tiré jusqu’aux oreilles.

Miroir d'eau à Rapanui

Comme si ce n’était pas suffisant, cette plage nous réserve d’autres surprises encore. Les vagues déposent des gros paquets mousse blanche épaisse : hahaha c’est tellement marrant de sauter dedans, et d’en sortir avec des bottines de hobbits ! Bottines qui nous tiennent chaud au pied en plus.

Hobbits en mousse

Plus loin, les falaises stratifiées de couches de cendre et de lave laissent parfois tomber en s’érodant des grosses boules denses. « Boulders » de pierre lisse sur lesquels il vaut mieux ne pas s’aventurer (comme je l’ai fait par exemple) car ils glissent énormément ! Oeufs de dinosaures multimillénaires autour desquels se créent des vasques d’eau alors que la marée descend.

Boulders de Rapanui

Les couleurs de fin d’après-midi et le sable noir mettent en valeur ces falaises colorées. Je l’ai déjà pensé à plusieurs reprises lors de balades précédentes, mais cette fois j’en suis certain : cette balade sur la plage est la plus belle que j’ai pu faire en Nouvelle-Zélande jusqu’à présent ! J’adore ce cocktail de teintes de roche : tous les dégradés de marron vers le jaune sable et vers le rouge noisette, parfois striée du blanc gris horizontal d’une strate géologique, surmontée du vert de la végétation ébouriffée qui se découpent sur le ciel bleu profond. Par endroits sur les pieds de falaise, les algues et mousses peignent des tags verf vif aux contours délavés. Au sol, c’est un noir humide et brillant qui accueille en douceur nos plantes de pieds, qui se dégrade en gris doré scintillant vers les falaises, et gris bleuté réfléchissant vers la mer.

Falaise multicolore de Rapanui

Arrivés à la grande rivière de Tongaporutu (pas vraiment traversable à pieds), nous faisons demi-tour, en observant une dernière fois la vue vers le Sud, avec les Three Sisters (dont seules deux existent encore) qui se dressent fièrement face aux vagues. Plus loin d’immenses falaises blanches s’élevant en barrière protectrice des paturages alentours. A une centaine de kilomètres au Sud, un gros nuage cache encore le volcan Taranaki.

Au retour, nous sommes étonnés de découvrir en haut des falaises des piquets et pieux de clôture. Ils sont fous les mecs de les avoir plantés si près du bord (en fait, sur le bord exactement) ! Aucun regret d’avoir choisi cette plage plutôt que la balade aux Three Sisters. Nous y étions parfaitement au bon moment, sous les belles lumières de fin de journée, et lorsqu’elle est accessible à marée basse.

A n’en pas douter, un de mes meilleurs souvenirs du pays !

White Cliffs

Dernière étape de la journée ? Les grandes falaises blanches un peu plus au Sud. Une bonne demi-heure de route plus tard, au bout d’une impasse parmi les prairies vertes, nous stoppons le van net : quelques-mètres plus loin l’aurait fait dévaler la pente sur des roches volcaniques pour finir les quatre roues dans le sable. Il fait frais ce soir, et le vent s’est levé. Allons voir le coucher de soleil !

White Cliffs

Moins diverse que la plage de Rapanui, elle est toutefois impressionnante par la hauteur des falaises blanches. Et à quelques centaines de mètres vers le Nord nous découvrons une belle cascade de quatre mètres qui jaillit de la roche pour tomber avec un bel arc-en-ciel dans le sable. Du pain bénis pour nos lentilles d’appareil photos (ou pas, compte tenu du vent qui ramène les gouttelettes dessus) !

Cascade des White Cliffs

En route vers le volcan Taranaki

La balade de deux heures ne sera pas pour nous cette fois-ci, et nous rentrons au van pour une route de nuit vers Dawson Falls. Alors que le soleil disparait, la nuit dessine le contour du volcan. Hein ? ah ouiiiii ! on voit le volcan dégagé ! Le sommet a en fait 3 petites pointes, desquelles commence une longue hyperbole qui descend jusqu’à la mer. Presque 100 km de diamètre ! Tout le centre est protégé en parc national, disque parfait lorsque tracé sur une carte, dans lequel les forêts ont repris leur droit. Tout autour, ce sont ensuite des fermes avec des pâturages jusqu’à la mer. Comme par hasard, le parc national s’arrête juste au moment où la pente devient suffisamment accueillante pour les exploitations agricoles, hasard ? « ah ouiii ? je n’crois paas ! »

La base de Dawson Falls est une des trois voies d’accès au volcan, et un arrêt pour dormir de choix ! Bon, elle est située à plus de 900 mètres d’altitude, et ça se sent. Ça pêle sévère ici. On ressort les gros duvets, car des températures négatives sont prévues pour la nuit. Au moins, la glacière qui passe la nuit dehors va pouvoir refaire le plein de froid. Deux gars sortent leurs couettes et s’installent à l’arrière de leur pick-up à la belle étoile… Vraiment ? vous allez geler les mecs !

La lune se lève et éclaire la neige du mont Taranaki. C’est aussi beau qu’inattendu. Croisons les doigts pour que demain soit aussi beau au réveil…

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