4 mars
Arrivée de nuit
Le trajet fut long. Il est 18h passés lorsqu’on s’extirpe du minibus. La toute première sensation ici : nous sommes saisis par la fraicheur du lieu ! Wahou ! On ne se croirait pas du tout en pays tropical, mais plutôt retournés à l’automne en Nouvelle-Zélande.
Il fait nuit, mais les nuages nous cachent les étoiles pour le moment.
Hôtel de luxe et restaurant gastronomique
Un jeune homme ne parlant pas du tout anglais nous ouvre la porte de la Sedulur Ghosthouse (euh Guesthouse) et nous laisse entrer dans un grand salon au carrelage froid. Il porte une grande écharpe sur les épaules et nouée à la taille. Quelques canapés verts et chaises en plastique posés contre les murs habillent un peu la pièce. En face de nous, une TV sans fil, un grand poster vieilli des volcans Bromo et ses frères, et une horloge.
Le jeune homme pousse la porte d’une chambre avec deux lits doubles roses fluo. Une petite couverture sur chacun d’eux mais pas de draps. L’endroit est aussi froid à l’intérieur que notre première impression en sortant du bus.
Nous demandons à voir d’autres chambres et choisissons la plus loin de la route, pour dormir plus au calme.
L’hôtel, à part nous, est désert. Alors lorsque notre hôte nous laisse, nous avons l’étrange impression d’être arrivés dans un hôtel fantôme.
Le ventre crie famine et il s’agit de le calmer au plus vite. Les quelques warungs de la rue principale ne sont pas folichons. On rentre dans le seul avec du monde. Erreur… les nouilles sautées sortent juste du paquet Indomie et ne sont même pas bien cuites, et le riz sauté au poulet a le goût de fruits de mer passés. Heureusement, on discute avec un couple de Français Bretons bien sympas et roots, ça nous fait la soirée !
On se faufile dans nos draps de soi avec toutes les couvertures que nous avons trouvées dans la maison sur nous et nous nous serrons l’un contre l’autre.
5 mars
La vallée de Bromo
Mis à part l’ambiance austère du lieu, nous avons correctement dormi. C’est donc un peu reposés que nous chaussons les baskets de randonnée et partons à la découverte de la vallée de Bromo.
Nico, dans ses recherches (pour avoir tous nos bons plans, c’est là), nous a trouvé une petite entrée dérobée pour accéder au parc en toute liberté.
La descente est raide dans un chemin de boue, mais après seulement 20 minutes, nous posons le pied dans le coeur de la vallée.
L’atmosphère garde un peu de ce que nous avons vécu hier soir, à croire que cet endroit est mystique. Un toit de brume surplombe toute l’étendue plate, mais l’on devine en face un volcan et l’on aperçoit, bien plus loin, le mont Bromo derrière ce qui semble être une forteresse.
Les cavaliers de la Brume
Takatak takatak Takakak, au loin, un cheval, crinière au vent, guidée par un homme des sables couvert d’un cheche sur tout le visage se rapproche de nous tout doucement.
Nous traversons ce qui semble être la route de sable, et sommes croisés par une cavalerie entière. Ca vous rappelle l’apocalyspe ? ahaha, oui cet endroit a des airs de bout, ou de fin, du monde ; à la fois beau, sauvage, dangereux, énigmatique !
Le monastère isolé
Entre les couches de sable fossilisées qui forment des plaques craquelées, nous approchons de la forteresse, qui se trouve être un monastère. A l’intérieur, un petit temple et 3 fidèles en train de prier. Comment sont-ils arrivés là ?
Le cratère de Bromo
L’ascension du cratère Bromo n’est pas très difficle. Une quinzaine de minutes le long des coulées de poussières nous permet de remarquer quelques visages figés dans la roche sableuse, tel les témoins d’un autre temps, coincés entre le monde des morts et celui des vivants.
Les nombreuses marches s’arrêtent à la bouche du cratère. Nous prenons notre temps pour admirer la fumée qui sort de l’eau grise plusieurs centaines de mètres sous nos pieds. Par moment, une légère odeur souffrée parvient à nos naseaux, mais rien de comparable au Mont Ijen ou Rotorua (Nouvelle-Zélande).
Le problème du plastique
C’est malheureux à dire, mais il n’y a pas que des coulées de lave le long de Bromo… il y a aussi celles de déchets. Bouteilles, sachets, mégots… on déplore l’attitude désinvolte des locaux qui, sous nos yeux, jettent leurs déchets sans aucuns remords.
Sur la crète
Nous n’irons pas loin car le tour du cratère semble un peu trop dangereux, cela dit, quelques pas le long de la crète suffisent à nous donner des émotions. D’un côté le cratère à pic, de l’autre les coulés de lave ancienne (pas si ancienne en fait) qui ondulent telles du carton. Devant ce spectacle aride et grandiose, nous sommes tout petit !
Un peu de repos
De retour à la chambre, nous nous reposons un peu avant d’aller manger, car demain, c’est un lever plus que matinal qui nous attend !
6 mars
Encore un lever avant le soleil
Trois heures du matin. Outch ! C’est les yeux encore tout collés, que nous nous extirpons des couvertures en laine synthétique et de notre drap de soi pour sauter (à l’allure du paresseux) dans notre pantalon de trek et nos chaussures. Lampe frontales sur la tête, nous voilà prêts. Encore baillant, nous fermons la porte de la chambre et commençons la marche.
L’ascension
Il nous faut d’abord traverser le village. Nous nous demandons pourquoi les lumières du devant des maisons sont allumées alors que tout le monde semble encore endormi. On apprendra plus tard que l’Indonésien a peur du noir et pas de sa facture d’électricité. Au bout de 40 minutes, la route goudronnée se raidit et nous en suivons les lacets pentus. Il ne fait plus froid du tout ! Nous voilà tout en nage même si, lorsque nous expirons, on y voit de la buée !
En haut du monde
Après quelques plateformes qui nous ont fait hésiter (serait-ce mieux plus haut ? sera-t-on tous seuls ?), nous choisissons de grimper jusqu’au King Kong Hill, le plus haut de tous les points de vue accessibles à pieds par ce côté.
Zut ! on est un peu déçus, il y a déjà du monde ! Les bougres sont arrivés en mobilette. Mais (le désespoir a dû se lire dans mes yeux) un ptit gars d’ici vient me voir, se penche et parle doucement, comme pour nous dire un secret « Be carefull, very slippery. But up, better. Just 3 minutes ». Vous avez entendu ? Alors c’est parti, on reprend espoir de voir le spectacle sans trop de flash inutiles !
Il n’avait pas menti, c’était bien raide, bien glissant (même pas peur avec mes nouvelles chaussures) mais quel bonheur une fois en haut ! Il n’y a que quelques autres marcheurs méritant et leur guide. Nous trouvons une place et y restons jusqu’à ce que le soleil soit vraiment sorti des nuages.
De la nuit à la pénombre
En quelques minutes, on sent que le jour va pointer le bout de son nez. Le noir complet laisse place à une ambiance entre chiens et loups.
La piscine à débordement : les nuages dans la vallée
Le spectacle devient encore plus magique lorsque tous les nuages qui se trouvaient dans la vallée de Bromo commencent à déborder sur le village, découvrant la mer de sable, le monastère et le pied des volcans.
Les lumières du soleil
A travers les nuages qui changent de formes, les lumières se fraient un chemin. Nous sommes les témoins privilégiés d’un moment qui a certes lieu tous les jours, mais qui vous donne le sentiment d’assister à un spectacle unique dont vous êtes les invités.
Biketrip jusqu’à la vallée
Il est 6h30 passés, et nous sommes seuls. Aaah, on ne changera pas ! l’expérience seule est toujours mieux.
Après une négotiation en bonne et dûe forme, nous chevauchons les mobilettes de deux locaux.
Une descente de dix bons kilomètres avec des vues extraordianires et surtout, la sensation d’être totalement libres. Quel bonheur !
Nous atteignons le bas de la vallée et traversons la mer de sable sur nos bolides. Le petit côté Indiana Jones et Lara Croft en vadrouille nous plaît bien et on immortalise le moment par quelques photos avant de rejoindre le centre de la vallée où déjà, les touristes en jeep commencent à arriver.
Nico grimpe le Gunung Batok
La plume change de main, pour cette partie Nico prend le relai
La mer de sable est déjà pleine de touristes, à pieds, à motos, en jeeps, en cheval. Les ombres à contre-jour sur les nuages s’entrechoquent telles des fourmies difformes. Je laisse Emilie dans la chaleur montante pour m’élever sur les pentes du Mont Batok.
Le mont Batok est le cousin éteint de Bromo. Ses parois vertes ondulées lui donne la forme d’une grosse charlotte aux fraises dont les boudoirs auraient été trempés dans du jus d’épinard. Bizarre mélange non ? A l’attaque !
8h07, je décolle et me fraie seul un chemin parmi les haute herbes, GPS à l’appui. Le chemin est malheureusement utilisé par les locaux pour créer des décharges sauvages d’enfouissement de bouteilles plastiques. Il faut que je contourne les trous béants pour ne pas finir enterré avec. Et la pente se raidit toujours et encore. S’ensuit une montée de 30 minutes bien corsée. Le chemin ne suit pas de lacets, non non, c’est plus simple tout droit dans les ravines étroites et glissantes creusées par l’eau. C’est de l’escalade tout le long des 280 mètres de dénivelés.
Arrivé en haut, je souffle un bon coup (ça faisait longtemps que je n’avais pas fait du sport comme ça) et apprécie le paysage. Seul au monde, je domine toute la mer de sable, Bromo et ses fumées sulfureuses, les pentes de carton ondulé, et les nuages qui s’amusent à tout effacer. Des pratiquant courangeurs ont déposé quelques offrandes sous la petite statue hindou de ganesha (éléphant).
Et c’est reparti pour la descente en vingt minutes, sur les quatre fers pendant une bonne partie puis en petite foulée pour garder le rythme. Je croise trois Indonésiens montagnards tout sourires et content de voir qu’un Français partage la même passion qu’eux.
Emi part se reposer
Je prends le même chemin qu’hier pour rentrer après avoir immortalisé par de jolies photos Nico qui crapahute à bon rythme sur le petit mont qu’il a décidé de gravir.
A la chambre, je profite d’un moment tranquille : douche bien chaude, lecture et application d’un masque à l’aloe vera qui trainait dans mon sac depuis Taiwan (bah oui faut faire de la place hein !) Je ne sais pas si ma peau est hydratée, mais j’ai le sentiment d’avoir les traits moins tirés malgré le manque de sommeil. Un pur petit plaisir de fille =)
Un départ compliqué
La porte vole en éclat (j’ai toujours le masque sur le visage) et un monsieur que je ne connait ni d’Eve ni d’Adam débarque en agitant son téléphone. « Nicolas », « Nicolas… » dit-il avec un regard qui lui sort des orbites.
« Euh, non moi c’est Emilie, mais oui, lui c’est mon partenaire, il va bientôt rentrer il faudra repasser ».
Il s’avère que c’est notre chauffeur (Nico devait réserver le minibus pour le départ). Il me dit qu’il repasse dans une heure, mais ce monsieur n’est jamais revenu.
A son retour, Nico est contrarié. Il avait contacté le chauffeur pour un départ à 11h et il n’est même pas 10h10… Du coup, il va nous falloir trouver le bus local. On met les sacs sur le dos, et on part pour une tout autre aventure, celle de réussir à monter dans un bus tout rouillé tenu par un chauffeur aigre et brut. Youpi !!!