New Plymouth – La ville et son jardin
Aaaah, ce matin c’est repos ! Une petite grasse mat’ pour récuperer de la journée d’hier, et reprendre des forces avant celle de demain. Le soleil s’amuse avec les nuages, et nous en profitons pour petit déjeuner tranquillement. Et même, comble du luxe, prendre une douche froide entre deux coups de vent. C’est glacéééé ! Devant les yeux des locaux qui font leur jogging matinal, on a fier allure, haha !
Alors que nous partons, une voiture s’arrête et un homme nous avertit que nous ne devrions pas dormir à l’écart de la brochette de vans sur le parking. Un van s’est fait péter les vitres et les deux occupants (personnes âgées) se sont faites aggresser en pleine nuit par des jeunes à la recherche de monnaie. Oups, ça craint dans le coin en fait ! Bon, ben on saura qu’il faut rester solidaires et groupés ce soir alors…
Nous décollons un peu tard pour une journée découverte des attraits de New Plymouth.
- Premier arrêt : le grand jardin botanique près du centre ville. Dans ce pays, ils savent véritablement créer de beaux jardins et parcs ! On s’y perd volontiers, en suivant les sentiers parcourant espaces de forêt, collines, bords de lac, petits ponts rouges à l’inspiration japonnaise, jeux pour enfants design. Au détour d’un chemin, on tombe nez à nez avec un couple de superbes perroquets aux couleurs de l’arc en ciel. Magique ! Après ce petit bain de vert et de fleurs, agrémenté de lacs et rivières, c’est bon, nous sommes prêts à tester l’ambiance de la ville.
- Il parait que la cathédrale est belle à l’intérieur… eh bien ce sera pour une autre fois, car elle est fermée jusqu’à nouvel ordre pour renforcement structurel en prévision de tremblement de terre. Ça promet… Pourtant avec tous les joins béton tout moche qui serpentent entre les pierres de cette église à l’allure normande, elle devrait être déjà bien parée. Bref.
- Direction le musée (chance inouïe, il ferme à 21h le mercredi, yeah ! pour une fois qu’on peut encore faire une activité après 17h 🙂 ). Un de mes musées préférés depuis le début du voyage. Une taille humaine, des panneaux clairs et organisés, nombreux sujets abordés pour tout type de public (dont les enfants), et surtout, la meilleure salle maorie vue jusqu’à présent.
Musée – Massif du Taranaki
On commence par visiter la pièce dédiée à la région volcanique du Taranaki. On y apprend alors que ce sont les éruptions anciennes du massif de Taupo et du Tongariro qui ont déposé les cendres et créé l’avancée de terre par ici. Et c’est plus récemment que les cycles « éruptions volcaniques » et « création de volcan suivi d’effondrement des monts » s’enchaînent sur des centaines de milliers d’années. Mais des éruptions sont encore fréquentes et dévastatrices. La dernière remonte au XVIIIe siècle avant l’arrivée des colons européens (Pakehas).
Et ils en attendent une prochainement car le cycle serait de 300 ans pour les grosses éruptions. Difficile de comprendre comment les agriculteurs peuvent vivre sans sourciller sur les pentes du volcan, ainsi que les citadins d’ailleurs, se construisant de belles villas toutes neuves dans les hauteurs.
Des panneaux et vidéos saisissantes relatent le triste record du mont Taranaki des expéditions ayant mal tournées, les conditions climatiques étant très variables au sommet. Nous comprenons désormais pourquoi nous croisions régulièrement sur la route de grands panneaux aux allures publicitaires avec un seul message : le remerciement du seul hélicoptère de sauvetage qui opère sur le mont.
Musée – Très bonne salle dédiée à la culture maorie
Nous entrons ensuite dans la salle dédiée aux Maoris. Le premier panneau annonce la couleur : cette salle a été réalisée par des Maoris, pour des Maoris avant tout. Et les panneaux écrits en maori et en anglais ne sont pas des traductions mutuelles. L’anglais est plutôt un guide à la compréhension. J’aime beaucoup cette démarche ! À l’intérieur de la salle, on retrouve de nombreux objets en bois sculpté, et notamment des morceaux de maisons et portes.
Architecture et urbanisme
Les villages maoris étaient principalement entourés de barricades en bois. Les rues pavées de pierre. Et le village était organisé avec un lieu pour la cuisine, un lieu pour le stockage des denrées, un lieu pour les habitations, un lieu pour les cérémonies, etc. La mise en commun des biens était de rigueur. Et les rues serpentaient dans le village, elles-mêmes longées de baricades. Ainsi, les places les plus fortifiées formaient un labyrinthe pour les éventuels assaillants.
Les changements dus à l’arrivée des européens
A l’arrivée des Européens au cours du XIXe siècle (principalement pour la chasse à la baleine en premier lieu, avant d’arriver avec des bateaux de colons à la recherche de nouvelles terres), beaucoup de choses ont changé dans la culture maorie.
- Matériaux et échanges avec colons. Les colons ont de suite été intéressés par les terres et les matières premières. Les Maoris avec leur savoir faire ont pu leur fournir : du bois (parfois travaillé), de la flax (fibre ligneuse, sorte de lin très costaud pour faire de la corde, des tissus, des toiles), de la nourriture (kumara, la patate douce locale, viande, etc.). En échange, les colons leur fournissaient des produits importés : métaux (en remplacement de la pierre et du bois pour leurs outils), nourriture, et armes (voir plus bas).
- Moeurs et traditions. Une position colonialiste a vite été prise par les Européens, au détriment des Maoris. Les Maoris et leur culture n’ont pas été vus comme source de richesse par les Blancs, qui ont tenté de les faire travailler pour eux. Nombre d’eux ont donc été exploités durement dans des chantiers et comme aides dans des maisons de blancs en échange de nourritures et biens importés et manufacturés. Mais les Maoris ont rapidement pris conscience qu’ils ne voulaient pas travailler pour des blancs (parfois même avec une relation ressemblant à de l’esclavagisme), mais voulaient travailler pour eux-mêmes, pour leurs tribus et les leurs. Bien que la religion chrétienne et le mariage aient fait leur apparition chez les Maoris, en corrélation avec la mise en place d’écoles (mais non mixtes, les Européens et Maoris ne se mélangeaient pas), ils ont conservé tant bien que mal leurs moeurs et coutumes.
- Unification des tribus. Les Maoris vivaient en tribus, mais pour contrebalancer la puissance montante des Européens, ils ont décidé de s’unifier autour d’un roi, élu.
Meaux et fléaux européens
La population maorie a été gravement impactée par l’arrivée des colons. Nous avons été choqué de voir à quel point une « invasion », même tentée plus ou moins pacifiquement, peut avoir des effets dévastateurs non anticipés.
- Le premier des fléaux est la maladie. Les européens sont arrivés avec des maladies complètement inconnues par les organismes ici. Rougeole et grippes ont sévèrement attaqué les effectifs des populations. Puis, à cause de la pauvreté et des conditions de travail dans lesquels les Maoris ont été contraints et forcés, la situation sanitaire s’est dégradée amenant pneumonie et dysentrie.
- Les structures sociales des villages, le leadership des chefs, la structure familiale ont été ensuite gravement mis à mal par l’alcool et le tabac.
- Parfois, les tribus sont en conflits les unes les autres et se battent. Mais l’arrivée des armes à feu acquises par certaines tribus a drastiquement changé les équilibres. Plusieurs raids (Musquet Wars and raids) ont été conduits par des tribus et mercenaires qui sillonnaient le pays, forts de leurs nouvelles armes acquises auprès des européens. L’équilibre géopolitique ancestral entre tribus a été gravement impacté.
- Alors que la terre était vue comme un bien commun par les Maoris (cela m’a rappelé le point de vue similaire des aborigènes australiens), les Européens avides de terres et de surface ont tenté d’en acheter d’abord. Puis la confiscation des terres ensuite a été de rigueur en expropriant les tribus et villages entiers. Nombre de Maoris se sont vus contraints de travailler pour des blancs pour avoir un nouveau toit, sur des terres qui leur appartenaient auparavant. Le comble de la malhonnêteté revenant aux Européens qui justifiaient la confiscation des terres supplémentaires en représaille aux révoltes Maoris qui se rebellaient justement pour avoir droit d’utiliser leurs terres. Encore aujourd’hui la situation est loin d’être clarifiée. La quasi totalité de l’île du Sud est « aux blancs », et les terres conservées ou rétrocédées aux Maoris dans l’île du Nord sont peu nombreuses, peu accessibles et pas assez étendues pour être exploitables convenablement par des tribus.
- Waitangi. La couronne anglaise a (pour couper l’herbe sous le pieds aux Français) fait un traité avec les Maoris : le célèbre traité de Waitangi, en 1842. Il stipulait notamment les règles d’échanges des terres, et quelles étaient les terres conservées par les Maoris (la grande majorité). Mais la couronne aidée d’intérêts privés, s’est empressée de rompre ce traité sans discussions dès 1860, en gagnant du terrain sur les espaces maoris. Un tribunal de Waitangi, créé par les Maoris à la fin du XXe, a commencé à instruire toutes les brèches de ce traité et à demander réparation. Ce n’est qu’en 2011 que le gouvernement Néo-Zélandais a accepté d’écrire un texte officiel pour reconnaître les brèches du traité, sans toutefois que les contreparties soient claires. L’affaire continue…
Traditions naturelles
Les maoris pratiquaient essentiellement la pêche, la chasse, la cueillette et l’horticulture. Ils avaient une grande culture de la nature, et de la préservation des ressources. Enfin, en théorie, car à force de chasser les oiseaux ancestraux n’ayant jamais vu un prédateur avant l’homme, il n’y a plus de moas depuis un moment. Et la surface forestière a été divisée par deux avant l’arrivée des Pakehas.
Les Maoris guérissaient avec le triptique : guérison par plantes, massages et rituels.
Nous sommes sortis de cette salle maorie avec un regard encore plus respectueux envers ces hommes et femmes accueillants à la culture si riche. Peuple qui a pourtant subi l’invasion colonialiste dans la douleur tout en l’acceptant et essayant de partager et cohabiter malgré les fourberies et l’opportunisme des européens.
Musée – autres salles
Une autre grande salle du musée montre des anciens objets européens, comme d’habitude peu intéressants pour nous Français. L’histoire des Néo-Zélandais présentée dans les musées ne remontant que de 150 ans à peine, voir des vêtements du XIXe, des vieux frigos, des barbies et autres télétubbies ne nous émoustille pas plus que ça.
En plein centre du musée, autour de deux maquettes énormes d’oiseaux et requins préhistoriques, se trouve la partie biodiversité et nature. Y sont exposés les récurrents animaux empaillés numérotés et étiquetés. Mais nous y trouvons (enfin !) les enjeux et avantages de la préservation d’une vraie biodiversité, et critiques ouvertes des comportements passés.
Dodo !
Il est 21h déjà, temps pour nous de regagner le camp, car demain il s’agit de se lever tôt pour tenter l’ascension sous le soleil des pentes du Taranaki ! Et ce coup-ci, nous suivons la technique développée par les troupeaux et colonies d’animaux : nous rentrons dans le rang bien serré des vans et camping-cars, on n’est jamais trop prudents.